Les primeurs 2014 - le bilan

Après une semaine de course contre la montre  à regarder sa montre toutes les 1/2h pour savoir si on était toujours dans le timing, préparer le trajet suivant pour nous amener à la propriété qui fait goûter d'autres vins. Telles ont été mes journées où j'ai pu participer avec grand plaisir à la sainte messe 100% bordelaise des primeurs.

Mais au fait, c'est quoi les primeurs ? Cette question a été assez récurrente ces derniers jours autour de moi. Les primeurs c'est une manière de vendre le vin en avance pour les propriétaires. Ils vendent sur parole les vins du dernier millésime en date, qui souvent ne sont en barrique que depuis 1 ou 2 mois et donc sont encore ultra jeunes. C'est donc une sorte de partie de poker où les négociants de la place Bordelaise vont parier sur la qualité d'un vin qui n'en est encore qu'à ses 10% d'élevage avant sa mise en bouteille. Autant dire que c'est très vert, souvent pas très représentatif des propriétés (voire pas du tout) et il faut une belle imagination pour se projeter dans l'avenir et se dire que tel ou tel vin sera excellent et que le voisin sera de moins bonne facture pour le vieillissement.
Mais d'un autre côté, cela permet aux propriétés d'avoir de la trésorerie d'avance car dès lors qu'il y a du stock et du produit non vendu, cela devient une charge très lourde à supporter.
Souvent critiqué, le marché des primeurs reste pourtant à Bordeaux, un passage obligé pour toutes les propriétés ayant un certain volume de production (et donc de stockage) . Bien que le château Latour à Pauillac se soit retiré du cycle des primeurs il y a quelques années, il n'en reste pas moins très marginal. Les châteaux se contentant souvent de vendre de manière habituelle leurs vins avec les mêmes acheteurs. Ces derniers faisant office de tampon lorsqu'un millésime est de qualité moyenne comme le 2013 avec un gros soucis de volume de production. En effet, ils ont tendance à vouloir garder les propriétaires dans leur petits souliers et préfèrent acheter au prix fort un vin plutôt moyen (attention, quand je dis moyen, c'est cracher dans la soupe car depuis une dizaine d'année, il est rare de trouver de véritables piquettes sur le marché) au prix fort pour être certain de conserver ses allocations (volume de cols réservés d'une année à l'autre à un acheteur de la part du vendeur) et se dire que le prochain millésime qui sera éventuellement meilleur et donc vendu + cher. Mais voilà, en cette année 2015 avec les primeurs du millésime 2014, tous les propriétaires et négociants sont attendus au tournant sur les prix qui seront pratiqués. Ces dernières années ont vu l'inflation progresser de manière exponentielle sur quasiment toutes les grosses appellations du bordelais notamment bercés par les excellents millésimes 2009 et 2010. Mais le problème est que par la suite, les autres millésimes n'ont pas été à la hauteur ni de la qualité ni du volume attendu sans que les prix ne baissent de manière conséquentes. D'où les vives critiques que l'ont peut entendre cette année. Affaire à suivre en 2016 et 2017 avec les premières bouteilles sur le marché du 2014 (le temps de l'élevage en barrique pouvant aller jusqu'à 24mois pour les plus longs - en moyenne 12 à 18mois -  + la mise en bouteille et la mise sur le marché) .

Mais je vais plutôt vous parler de ce que j'ai pu déguster durant ce marathon bordelais.
Avant toute chose, le 2014 est à mon sens, à la hauteur des espérances qu'il a suscité suite à une embellie météorologique de dernière minute qui a permis une récolte de grande qualité. Le fruit sera le mot que j'attribuerai à ce millésime. Tout ce que j'ai pu goûter suivait cette trame fruitée. Croquant et gourmand. Je n'ai pas d'autres mot qui me viennent à l'esprit pour synthétiser grossièrement le 2014. Autant le 2013 en primeur m'avait laissé coi. Autant le 2014 est déjà riche et complexe pour certains vins. Ce sera assurément un millésime de garde car certains vins sont d'ores et déjà très puissants. Bien sûr tout cela reste hypothétique car avant tout, basé sur des suppositions et une projection dans l'avenir et le vieillissement des vins dégustés.

Dégustation au Château la Dominique des vins conseillés par le "gourou du vin" comme il aime à se présenter alias Michel Rolland.
Déjà la surprise du nombre de vins hallucinant qu'il coache. Des plus grands aux plus petits, tout est représenté. Sur cette dégustation, mes coups de coeur ont été le château Pape Clément (Pessac-Léognan - qui réduit d'année en année son boisé et ça lui va de mieux en mieux) que ce soit en blanc ou en rouge, il m'a impressionné par sa fraîcheur et sa complexité. Le blanc a un petit côté acidulé qui faisait ressortir les fruits blancs de manière plus prononcée) . Celui qui a presque surpassé tous les autres durant cette dégustation a été le Château Bellefont-Belcier . Un grillé associé à un velouté hors-pair. Des fruits noirs avec déjà des prémices de compotée. Magique.
Le château la Dauphine s'en sort également très bien . Un nez assez frais et une bouche quoique pas encore très développée mais d'une belle longueur. Le Bon Pasteur à Pomerol (ancienne propriété personnelle de M. Rolland) avec un nez très expressif et une bouche homogène. Beauséjour-Bécot en St-Emilion a fait aussi l'unanimité des dégustateurs avec qui j'ai passé la matinée.





Dégustation du Cercle de Rive Droite au château Barde-Haut à St-Emilion.
Confirmation du Bellefont-Belcier avec Emmanuel de St Salvy le General Manager de la propriété.
Dégusté également le Château La Rivière avec Pierre Rebaud, fraîchement arrivé au domaine (qui fait des dégustations de thé au passage, visite que je voudrais faire dans peu de temps) . Quelques Pomerol assez décevants mais je préfère garder les noms pour moi  et voir ce que va donner l'élevage en barrique.



Dégustation du Yquem en primeur au Grand Théâtre de Bordeaux.
Soirée magique je dois bien l'admettre et qui pourrait dire le contraire ? J'ai eu la chance d'être convié à la soirée de dégustation des primeurs du 2014 avec un accord met et vin signé du chef Michel Trama avec pas mal de truffes au programme. Première fois que je déguste un Yquem en primeur et ça a le mérite de fonctionner d'emblée. Déjà une belle sucrosité mais surtout cette patte "Yquem" avec une acidité incroyablement maîtrisée et qui fait oublier assez rapidement le sucre dans le verre.
De belles notes d'agrumes et de pêche de vigne. A voir évoluer comme le reste des vins de ce millésime (pas avant septembre 2016 chez les cavistes).




Dégustation des vins bio au CAPC.
Un cadre magique pour une dégustation totalement nouvelle pour moi : les vins bio d'Aquitaine et il s'agit là d'une vraie appellation qui regroupe tous les vins certifiés bio allant du nord médoc jusqu'au contreforts des Pyrénées en passant par la Gascogne et le Périgord sans oublier de grandes appellations comme Margaux (oui oui !) ou St-Emilion (re-oui oui!) . Et là j'ai trouvé des vins d'une grande richesse, tout comme les propriétaires (souvent croisés la veille à d'autres dégustations pour des vins non bio ou en biodynamie) . Je ne peux pas juger sur la qualité des vins en vieillissement car les plus vieux que j'ai pu déguster étaient des 2011 mais une certaine tenue et l'effet bluffant d'une vin jeune. De bien belles choses notamment en blanc avec le Château du Carpia tout au sud de la Gironde. Et en rouge je retiendrai l'excellent Château du Seuil à Cérons. Grosse découverte en rouge du côté de St-Emilion avec une cuvée particulière vieillie + longtemps en barrique et issue d'une toute petite parcelle du Château Tour Peyronneau (propriété Château Bernateau)




Dégustation des Côtes de Bourg
Toujours au Grand Théâtre, leur lieu de résidence annuelle, mon appellation chouchoute a fait venir comme d'habitude, les représentants les plus pétillants de cette dynamique appellation et encore cette année de bons moments partagés avec les vignerons. Je retiendrai le 100% Malbec des vignerons de Tutiac (j'ai très envie de déguster le 100% cabernet Franc un de ces 4) . Comme chaque année, un passage obligatoire par le Clos Marguerite, cet ovni de l'appellation avec un vin à environ 80€ la bouteille mais dont la production est tout droit tirée de la Bourgogne avec environ 1000 bouteilles par an et moins d'un hectare de superficie. Une pépite explosive je vous dit. De là à mettre ce prix ...
Et aussi la propriété du fiston du Clos Marguerite, Louis Meneuvrier à des prix autrement plus abordables mais avec une touche commune : les tanins déjà bien présents et une charpente solide en + des fruits, j'ai nommé le Château la Croix-Davids . En blanc, belle surprise du château Tayac.



Dégustation des vins conseillés par Stéphane Derenoncourt à la Gaffelière.
Là encore il s'agit d'un des rituels emblématiques de cette appellation pendant les primeurs : tous les vins de Derenoncourt sont présentés à la propriété. Cette année j'ai pu déguster le Château Clarisse et Château Clarisse vielles vignes qui est très prometteur et résolument orienté sur le fruité du merlot.
Outre les grands vins que j'apprécie comme Clos Fourtet ou Pavie-Macquin, je suis tombé sur le château Guadet. Et là ce fût LA révélation de cette folle semaine de primeurs. Sans doute le propriétaire avec qui j'ai rapidement discuté y est pour beaucoup mais il n'empêche qu'avant de m'entretenir avec lui, j'ai dégusté dans mon coin son vin et là j'ai été transporté. Une finesse incroyable (on parle bien du 2014), un nez encore vert mais déjà sur la longue compotée de fruits. Des tanins pas trop fort, une longueur en bouche déjà bien assez longue. Il faut absolument que j'aille me rendre compte du reste des vins à la propriété car tout le monde ne m'en dit que du bien. Et je ne connaissais absolument pas.




Dégustation de l'ensemble des primeurs au Château Belgrave à St Laurent du Médoc via le négoce de la maison Dourthe qui présentait là dans un cadre absolument magnifique et ultra professionnel, l'ensemble des propriétés qu'il distribue : à savoir énormément ! En 3h j'ai eu "juste" le temps de déguster environ 90 échantillons. Deuxième coup de coeur des primeurs ce fut la Fleur Cardinale en St Emilion : hyper velouté, ça glisse sur la langue, le fruit arrive en même temps, le nez est encore vert mais déjà sur quelques notes de griotte et un peu d'épices.







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