A la découverte des Graves et de Pessac-Léognan

Bordeaux est riche de beaucoup de terroirs, de vignobles, propriétés toutes plus différentes les unes des autres et pour mettre un peu d'ordre dans tout ça vis à vis des consommateurs, il existe les appellations. Certes il en existe beaucoup et je ne pense pas au final que le consommateur français s'y retrouve facilement mais il est important je pense, de garder une distinction entre les terroirs qui sont à la base du vin, qui lui donne sa richesse, son essence, son âme.

Je vous propose aujourd'hui de partir à la découverte du territoire du "Sud-Gironde" dans sa plus vaste définition. Pour faire simple  je vous emmène du plus au sud de l'appellation des Graves , vers Langon, jusqu'à l'est / Sud-est de Bordeaux sur les terres des Pessac-Léognan (qui est une appellation située sur le même type de terroir de graves mais avec son propre syndicat viticole). Et par la grande porte les amis car j'ai eu l'occasion unique de visiter et déguster parmi les plus grandes et belles propriétés du monde, enviées pour leur histoire tant que pour leur vin.

Commençons par ce que nous appelons ici à Bordeaux, le Sud-Gironde, qui comme son nom l'indique, pointe vers l'extrême sud du département, non loin des "Landes Girondines". L'appellation des Vins de Graves est riche en propriétés familiales qui se transmettent de génération en génération . Prenons l'exemple du Château Magence que j'ai visité en compagnie du propriétaire Jacques d'Antras ainsi que son fils qui reprend la gestion, Jean d'Antras. Ce domaine se situe sur la commune de St Pierre de Mons, limitrophe à la sous préfecture qu'est la ville de Langon. Au bord de la Garonne, nous pouvons trouver les premières graves issues du piémont pyrénéen dont les roches et cailloux ont été transportés depuis des millénaires, roulés, balancés au rythme du fleuve depuis les montagnes jusqu'à Bordeaux. Il faut savoir que les 3/4 du bordelais étaient noyés sous les eaux il y a des milliers d'années de cela, et la mer arrivait jusque sur le domaine de Magence, c'était l'équivalent de la plage du Petit Nice on va dire :) Du coup, les romains,  assez visionnaires, ont vu dans ce coin de terre, un terroir assez extraordinaire pour y planter de la vigne qui assez rapidement leur a bien rendu la pareille . L'avantage de Magence, c'est qu'à la manière du Château d'Yquem non loin de là à Sauternes, se situe au carrefour de plusieurs types de sols tous assez riches pour en tirer le meilleur parti et y planter les bons cépages sur les bonnes parcelles. Du sémillon, au sauvignon pour les blancs, du cabernet sauvignon au merlot en passant par un peu de cabernet franc pour les rouges.






Et les petites propriétés familiales telles que celle-ci ne sont pas en manque d'ingéniosité, de technique pour aller toujours plus loin et être plus précis dans la conception du vin, Magence est en phase de test sur une parcelle de 4ha, de traitement de défense de la vigne par des ondes sonores via des haut-parleurs placés en plein milieu des rangs. Cela a pour but d'activer les protéines de défense de la vigne afin qu'elle lutte mieux par elle même contre certains champignons. Et aux dire de Jean d'Antras, les premiers résultats sont assez encourageants. Comme quoi, il n'en plaise à certains journalistes en mal de reconnaissance et de buzz (voyez mon regard) , non les vignerons ne se plaisent pas à traiter leurs parcelles avec des produits chimiques. De plus en plus de propriétés font le choix de ne traiter que localement la vigne, là où seulement elle en a besoin, de manière moins systématique et année après année avec de moins en moins de produits qui paradoxalement sont de plus en plus efficaces à faible dose. Tout n'est pas blanc, tout n'est pas noir, mais au moins saluons les efforts engrangés par des propriétés comme Magence, de vouloir aller plus loin dans la gestion de sa vigne et de chercher des alternatives aux produits polluants .

Toujours dans les graves, mais en remontant sur Bordeaux, nous nous retrouvons sur des terres moins vallonnées comme c'est le cas tout au sud. Sur la commune de Castres, nous trouvons un des porte-drapeaux de l'appellation des Vins de Graves : le château Ferrande, Un domaine dont les bâtiments ont été agrandi récemment et d'un très bon goût. L'occasion de faire un point dégustation avec Henri Clémens, le directeur du syndicat viticole des Graves sur quelques propriétés qui nous ont accueilli pour des dégustations et des déjeuners de vendange durant deux journées intenses. Je ne pense pas pouvoir être hyper objectif sur les vins de Graves et de Pessac-Léognan car je suis parti dans la vie avec un amour aveugle pour ces vins qui m'ont tant fait rêver plus jeune. Mais nous pouvons voir que sur un même millésime qu'est 2011 (pas facile comme année) certains s'en sortent mieux que d'autres . Notamment le Château Bouscaut qui à plusieurs reprise nous a bluffé par la richesse de ses arômes et un vin bien droit .

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------


Je vous emmène ensuite déjeuner au Château des Places, situé sur la commune d'Arbanats à deux pas de  Portets à la rencontre des propriétaires adorables, les Reynaud. Philippe nous présente les différents vins de son domaine. Point de dorures, ici on est dans la vraie exploitation familiale où tout le monde a un rôle voire même plusieurs. Sur 47 ha, 37 sont situés sur l'appellation des Graves dont j'ai pu déguster le Château des Places  rouge et blanc et une belle pépite dénommée Agora issue des vieilles vignes avec fermentation malolactique en fûts de chêne. 60% merlot et 40% cabernet pour 9000 bouteilles annuelles, une pépite je vous dis ! Un grand merci à la maman de Philippe pour son déjeuner plus qu'agréable ainsi qu'à toute la team des Places ! A refaire !


----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------



Nous voilà rassasiés, remontons plus au nord toujours en direction de Bordeaux, mais de seulement quelques kilomètres. Voici le château de Portets. C'est la propriétaire en personne, Marie-Hélène Yung-Théron qui m'accueille dans la superbe cours du château encore habité (oui c'est une chose que j'ai pu remarquer sur mes deux jours de ballade, c'est que les 3/4 des châteaux par lesquels je suis passé, sont encore habités par les propriétaires) . Une personne charmante qui a su me présenter son vignoble avec passion. Petit tour sur la terrasse du château qui domine un coude de la Garonne avec au beau milieu des terres, une tour qui servait autrefois de péage pour les bateaux qui remontaient en direction de Toulouse. Dégustation des 2010 2011 2012 en rouge. Les trois totalement différents (coup de coeur pour le 2011 très voluptueux, avec un beau fruité) mais avec une trame commune, la patte des vignerons, leur signature en quelque sorte.




----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------



Je remonte plus au nord direction l'appellation Pessac-Léognan. Je découvre l'endroit où je dormirai les deux prochaines nuits : le château la Louvière, propriété d'André Lurton (qui réside au château Bonnet à Grézillac dans l'Entre deux Mers). Magique, je serai le seul habitant des lieux pour les deux prochaines nuits. Un rêve de gosse qui se réalise ! 



Afin de mettre les pieds doucement mais sûrement dans cette nouvelle appellation, j'ai passé une soirée au château Bardins, discrète propriété cachée au fond d'un parc mais qui, dès que l'on arrive sur place, dégage un parfum de bucolique, le parfum d'antan. Je n'aurai pas été étonné de voir de grands peintres ou poètes se promener dans le parc, s'imprégnant de la beauté naturelle du lieu. Un petit paradis niché dans la forêt et pourtant , le centre ville de Bordeaux étant à peine  à une dizaine de kms. C'est Stella Puel, la propriétaire qui nous a si gentiment accueillis pour une soirée où la valse des vins dégustés a été en totale concordance avec les plats servis.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------



Le lendemain, après une nuit ô combien difficile dans un château immense pour moi tout seul (ironie bien entendu), direction château Le Sartre où René Leriche, propriétaire avec sa femme Marie-José Perrin-Leriche nous attend pour nous faire le tour du propriétaire. La récolte des blancs venant tout juste d'être terminée, j'ai pu accéder au chai et voir la fermentation malolactique en cours dans les fûts de chêne. Vision magique, on sent la vie naître dans chacun des fûts, la mousse et les bulles s'activer pour former un futur grand vin blanc. 





----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Afin de voir la diversité des vins de l'appellation, je retrouve mes compères au château Smith Haut-Lafitte afin de faire une dégustation horizontale (plusieurs vins d'un même millésime sur une même appellation, à la différence d'une verticale où il s'agit d'un seul et même vin sur plusieurs millésimes) . Après la visite des chais et de la tonnellerie intégrée au domaine, direction la salle de dégustation pour passer en revue les troupes 2011. Je dois avouer que je n'ai pas été totalement emballé par ce millésime en comparaison avec d'autres dégustés durant la journée sur la même appellation. Non pas qu'il y ait eut des vins médiocres, bien au contraire car la barre des Pessac-Léognan est placée très très haute. Mais sans doute sommes nous habitués à déguster des vins tellement puissants que lorsqu'une année est plus difficile qu'une autre et que les vignerons arrivent tout de même à sortir des vins plus qu'honorables, on fait la fine bouche sur des tanins un poil moins puissants, des notes de fruits un peu en dessous de l'ordinaire. Rien qui ne m'empêchera de déguster d'autres 2011 à l'avenir pour voir leur évolution.

Après autant de vins dégustés, moi qui ne suis pas un professionnel, il fallait bien un déjeuner sympathique afin de redonner une couleur plus naturelle à mes lèvres que le violet qui commençait à poindre. J'ai eu la chance incroyable d'être l'invité de Philibert Perrin, propriétaire avec son frère Eric du château Carbonnieux, mon blanc préféré. [objectivité OFF] pour un repas en toute simplicité accompagné de raisins des vignes attenantes et surtout du fameux vin blanc à majorité de Sauvignon et accompagné de Sémillon pour un peu plus de douceur. Dégustation également du moins célèbre rouge qui est très doux et pas forcément typique des Pessac-Léognan car finement épicé et avec des notes de boisé et grillé plus discrètes ce qui  n'est pas pour me déplaire. La propriété est une des plus hautes sinon la plus haute de l'appellation, avec des sols incroyablement riches dont la distribution rejoint celle de Magence dont je vous parlais plus haut avec la mer arrivant il y a des milliers d'années, jusqu'au bas des parcelles ce qui donne des graves mais aussi du sable et plus en hauteur du calcaire où la vigne doit puiser bien plus profondément pour trouver de l'eau et de par ce fait, cela donne un maximum de qualité aux raisins car plus la vigne travaille, plus le raisin est équilibré. 



Le clou du spectacle a été la visite plus tard dans l'après-midi, du château Haut-Brion, sans doute le plus connu de par le monde avec ses autres partenaires du 1er rang des grands crus classés en 1855 (avec Margaux, Lafite-Rothschild, Latour, Mouton-Rothschild) . Ici rien n'est laissé au hasard. Les rangs de vigne sont ultra-serrés mais les grappes peu nombreuses ce qui laisse à penser un rendement assez faible et donc une qualité sélective très élevée. Tout est organisé pour tirer au mieux profit des quelques hectares plantés au beau milieu de zones pavillonnaires (qui se sont construites autour car Haut-Brion est un des plus vieux vignobles existant recensé au monde) et se dire qu'en vélo, nous sommes à peine à 20min de Bordeaux centre ajoute à la singularité des lieux. J'ai pu déguster le millésime 2012 pas encore mis en bouteille en Haut-Brion ainsi qu'en Mission Haut-Brion, propriété attenante. Ce sont des vins qui demandent de grandes capacités de dégustation car tellement fins et structurés que mes limites olfactives ont été atteintes avec ces vins. C'est d'une finesse inouïe et j'aimerai vraiment avoir l'occasion dans quelques années de voir ce que le même millésime, avec le passage du temps, sera devenu tout en ayant acquis encore plus d'expérience dans la pratique de la dégustation.



Enfin, le point d'orgue de des ceux journées de visite dans ces appellations a été le dîner de gala au château de Fieuzal, là encore un de mes rouges préférés depuis bien longtemps en Pessac. On nous a sorti le grand jeu avec un repas concocté par le chef étoilé Jean Coussau qui officie d'ordinaire au Relais de la Poste à Magescq dans les Landes. Dîner incroyable car nous nous sommes mélangés aux propriétaires des vignobles visités en toute simplicité et avons eu accès à des vins tous plus incroyables les uns que les autres avec notamment des jéroboams de Château de Chevalier 1984 blanc et rouge. Soirée mémorable.




Pour résumer ces longues lignes (merci d'avoir tenu jusque là :) je vous invite vraiment à venir vous promener dans ces deux appellations riches de domaines à la fois ultra familiaux et conviviaux et de grands domaines, fers de lance de l'activité viticole de l'est et sud Gironde. Vous serez accueillis comme des rois et la magie des dégustations va s'opérer sur vous j'en suis certain, comme ça l'a été sur moi. Une parenthèse enchantée à deux pas de Bordeaux. 

Cheers  !

Commentaires

Articles les plus consultés