Petit-Verdot, le retour

crédit photo Château Belle-Vue
Qui parmi vous a déjà entendu parlé de ce cépage ?
Mais si vous savez ce cépage d'appoint qu'on voit toujours à la fin de l'assemblage sur les contre étiquettes de vin bordelais, celui qui en général peine à dépasser les 5 à 6% du total d'une bouteille . Et bien il fait un retour en force dans le Médoc avec quelques propriétés qui l'intègrent à des proportions plus importantes dont notamment le Château Belle-Vue.

Cette propriété, acquise par Vincent Mulliez en 2004 ainsi que les Château Bolaire et Gironville a, sous l'impulsion de son ancien directeur technique et désormais consultant attitré, Vincent Bache-Gabrielsen, donné ses lettres de noblesse à ce cépage longtemps oublié bien qu'emblématique de la région.
Mais attention, le petit-verdot ne se laisse pas apprivoiser comme ça. Il est sensible le bougre, il faut savoir lui parler et il aime qu'on s'occupe de lui. C'est qu'il ferait presque sa star le petit béarnais (son origine géographique remontrait à cette région au pied des Pyrénées) .  En effet, il est assez fragile et c'est de cela qu'il tire son nom : "petit vert" synonyme de maturité tardive . Il casse facilement lorsqu'on relève les branches, il faut savoir le toucher avec délicatesse. On a même tendance à dire dans le Médoc qu'il n'est fiable qu'une année sur 10. C'est dire si on prend des pincettes avec ce petit capricieux. Et pourtant, malgré une véraison tardive avec pas loin de 3 semaines de décalage avec la plupart des autres cépages, il rattrape ce retard avec une maturité rapide (attendez, mais on me parle de maturité tardive et puis là ça devient rapide ? oui, car bien que tardive, elle atteint son apogée en peu de temps une fois la véraison faite) . Le Petit-Verdot est assez fructifère et il a cette particularité rare de pouvoir faire repousser des fruits malgré un gel. Sa plantation n'est possible que sur des terroirs précoces et il faut compter pas loin de 5 à 10% de vendanges vertes* pour conserver une belle homogénéité sur les parcelles plantées.


Mais ce qui en fait un cépage assez complexe à gérer c'est sa maturité. Une fois atteinte, il ne reste que très peu de temps au vigneron pour le récolter car le petit-verdot, coquin au demeurant, passe du stade mature au stade de pourrissement en quelques heures suite à l'apparition du botrytis. Et oui, comme quoi, ce champignon fait la gloire de certains vignobles comme le sauternais mais il est la hantise d'autres appellations. Et il faut bien reconnaître le talent des faiseurs de vin pour choisir le jour et l'heure exacte où la maturité semble être au maximum de son potentiel.
S'il est récolté au summum de son sucre, le raisin donne un vin charnu, croquant et charpenté, un vrai vin de garde à lui tout seul.

C'est la raison pour laquelle le Château Belle-Vue, situé à Macau, à quelques kilomètres de Margaux, a décidé cette année de lancer une cuvée millésime 2016 monocépage 100% petit-verdot que j'ai eu l'occasion de déguster deux fois à 3 mois d'intervalle, l'occasion de voir les évolutions d'un vin encore embryonnaire qui révèle déjà beaucoup de gourmandise.


Et chanceux que je suis, Vincent nous a fait déguster les jus par lot de barrique provenant de différents tonneliers avec différentes chauffes et forcément différentes essences de chênes. Et également une petite part qui est vieillie en amphore italienne qui entrera à hauteur de 10% dans l'assemblage final. Cet exercice est fabuleux car avec un seul et même jus initial, on se retrouve avec des notes et des arômes totalement différents d'un lot à l'autre. La barrique la plus chauffée va ainsi  apporter un boisé et un grillé intéressant mais trop intense si on ne devait faire le vin qu'avec ce type de barrique. Quant à l'amphore, elle apporterait presque de la poésie tellement le jus est gracieux et aérien. La barrique chauffée modérément va donner un jus plus homogène, moins tannique et plus élégant mais plus discret. Bref, c'est sous l'oeil averti de l'équipe technique que l'assemblage le plus homogène sera effectué. Et le résultat final est très prometteur. Un vin puissant mais pas trop, qui ne montre pas tout dès le début. Bien entendu, les fruits noirs sont bien présents tout comme la violette, un peu d'épices douces et ce que j'aime beaucoup c'est une belle fraîcheur avec des notes mentholées qui viennent donner un joli coup de fouet à ce vin fougueux.

Vous pourrez retrouver ce vin à l'horizon de septembre 2018 dans le réseau traditionnel en France mais aussi à l'export. Autant vous dire que les 10 000 bouteilles prévues vont vite se faire rares. Je vous en reparlerait à l'occasion de la mise en bouteille.

*vendanges vertes : il s'agit de vendanger volontairement des grappes de raisin encore non mûries et pourtant en parfaite santé afin de laisser respirer la vigne et aussi d'homogénéiser les rangs. Cela permet également de "booster" les autres grappes encore présentes .

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