Voir le Douro et mourir : #1 le Porto

Saviez-vous que la France est le  premier marché mondial pour la consommation de Porto ? Oui mais en volume. Nos amis anglais eux, sont bien derrière mais nous devancent en valeur. Ce  qui veut dire qu'ils achètent des produits beaucoup plus haut de gamme et sont de fins connaisseurs de la complexité de ces vins hors du commun. Preuve que le Porto n'est pas  un simple produit mass market tel que nous le  connaissons en France. Et à mon grand dam, la richesse  de ses cuvées vintages les plus vieilles ou les plus rares ne sont clairement pas mises en valeur dans l'hexagone. Pourtant les vins de Porto sont de véritables petites bombes aromatiques et c'est le seul vin au monde qui ne peut être que meilleur en vieillissant. Il n'a pas spécialement d'apogée, simplement les plus vieux  sont parmi les meilleurs .

Je vous propose de voyager avec moi le temps de ces quelques lignes et au fil de mes photos. Laissez moi vous compter la magie du Porto et desvins de la vallée du Douro. 

Le Portugal je l'avais déjà légèrement pratiqué il y a quelques mois avec la visite de Lisbonne. Ce fût sympa mais pas le gros coup de coeur. Ok, je fais le difficile, c'est une belle ville mais allez savoir pourquoi, le charme n'a pas opéré de la même manière  qu'il a pu agir sur moi à Rome par exemple. Mais c'était un bon début. Et puis est arrivé Porto. Ça a été LA révélation. Et pourtant c'était mal parti.
Je suis arrivé sous un crachin digne d'un mois de novembre anglais. Mais tout de suite le charme a agit. La  ville monte et descend, les rues tournent, se tortillent et puis tout à coup, tout se calme une fois au bord du Douro - le  fleuve éponyme - quiétude et douceur de vivre émanent de cet endroit. Et surtout les dizaines de maisons de Porto dont on peut apercevoir les grandes lettres dépasser des toits ou sur les façades à travers toute la ville sur la rive gauche.


Le pont Gustave Eiffel, une de ses premières oeuvres.

Petit reminder sur la manière de faire du Porto. Non ce n'est pas un vin cuit mais un vin que l'on qualifie de "muté" tout comme le Banyuls par exemple. C'est à  dire qu'on vinifie du vin tout à fait normalement et on lui ajoute aussitôt de l'eau de vie pour l'enrichir . A la base les anglais ajoutaient cette eau de vie pour mieux gérer le transport afin que le vin ne "tourne" pas. 

Mais avant de vous parler des différentes maisons que j'ai eu l'occasion de visiter ou rencontrer lors de masterclass, il faut se familiariser avec tous les types de Porto qui existent sur le marché. Globalement on retrouve une manière de hiérarchiser les vins à peu près semblable aux cognacs dans les grandes lignes .

  • Les Ruby : on pourrait les comparer au VSOP en cognac. A savoir un vieillissement de 3 à 5 ans en foudre. C'est l'entrée de gamme  dirons-nous. Avec des cépages récupérés une fois que toutes les autres cuvées plus prestigieuses on été assemblées.
  • Les Tawny : là on commence à jouer sérieusement avec des choses plus complexes. Ils sont issus d'assemblages de plusieurs années de récolte. Il y a plusieurs catégories au sein de cette famille de Portos. 
    • Tawny : vieillis au  moins 5ans en fûts de 500 à 600L,
    • Tawny  Reserve : au moins 7ans de vieillissement
    • Tawny 10, 20, 30 et 40 Year Old : ceux là correspondent peu ou prou au chiffre de vieillissement qu'ils revendiquent . Mais dans les faits, ils sont issus de plusieurs assemblages dont la moyenne plus ou moins stricte correspond à un 10,20,30 ou 40 ans d'âge. Plus simplement, il s'agit de vins dont l'idée qu'on a d'eux correspond à un 10ans d'âge par exemple. On sait qu'un 10 ans reste encore jeune même s'il a des vins issus de 15ans de vieillissement avec. 
    • Tawny Colheita : comme leur nom l'indique, ce sont les vintages en tawny.
  • Les Vintages ou Colheita : issus d'une seule et même  récolte d'une année lorsque celle ci a été assez qualitative pour remplir le cahier des charges de l'Institut des Vins de Porto qui veille très sérieusement au grain et dont lui seul a l'autorité pour valider ou non un millésime. Plus ils sont vieux plus ils sont intéressants. Et plus ils s'éclaircissent. Les jeunes sont ultra sucrés et les vieux bien plus intéressants (je trouve) car le sucre s'est bien fondu et des arômes fleuris, fruités ressortent et explosent en bouche. Ils sont mis en bouteille au bout de deux ans de vieillissement et le terminent ensuite en bouteille tout le reste de leur existence.
  • Les Late Bottled Vintage (ou L.B.V.) : ils sont également issus d'une seule et même récolte mais sont vieillis au moins 4 ans en foudre où l'oxygène a fait son oeuvre et les a réduit en intensité. Donc on les boit plus jeunes car impossible d'atteindre un grand vieillissement en bouteille. Personnellement j'ai eu du mal avec cette catégorie de vins. Très sucrés et ultra fruités, je préfère de loin  les vintages qu'ils soient Tawny  ou non, que je trouve plus complexes. 
  • Les Blancs : leur création est plus récente. Ils sont plus simples mais pas dénués d'intérêt, surtout lorsqu'ils sont "Dry" . On peut aisément les mettre dans une recette de cocktail comme dans ce twist du gin tonic avec le blanc à la place du gin. 
Place aux maisons de Porto.

Cruz
On la connait en France pour sa dame voilée de noir et ses vins dans les 10€ . Pourtant, il se cache des dizaines de cuvées bien plus complexes et des vintages de grande valeur. Comme le colheita 1985 (entendez  par là "millésime" en portugais) .Une couleur orangée avec des reflets ambrés. On sent juste avec la  robe que le vin est riche d'arômes. Cette même maison est aussi propriétaire comme beaucoup d'autres maisons de Porto, d'autres marques et autres Quintas (équivalent portugais de "château") dont Dalva et son Golden White Porto 1963 exquis.




Sandeman
Vous connaissez certainement tous la fameuse silhouette masculine de cette maison, avec son large chapeau noir et sa grande cape. Située juste à côté de Cruz, cette maison cache, les pieds dans le Douro, un chai immense derrière sa boutique. Avec des foudres démesurés, et tous les autres  types de contenants . Vous pourrez déguster bien d'autres vins que ceux que l'on connait en grande surface dont un excellent 20 ans et un 40 ans.





Sogevinus
Ce groupe rassemble bon nombre de Quintas dont deux particulièrement renommées : Burmester et Kopke. Sur la première maison, j'ai eu un coup de coeur pour le 10 ans déjà bien riche en arômes et d'une douceur exquise. Au delà de ce vin que j'ai ramené dans ma valise, j'ai eu la chance rarissime de déguster des vintages 1952 et 1955 (année exceptionnelle dans le Douro) qui sont mis en bouteille uniquement sur commande. C'est à dire qu'au moment où vous décidez de craquer pour ce flacon (dans les 400 à 500€), le Porto est encore dans le fût et ne sera mis en bouteille que lorsque vous l'aurez commandé. De source sûr il reste un tout petit peu de stock alors avis aux amateurs fortunés. J'ai pris une claque monumentale. C'est d'une fraîcheur hallucinante.
Enfin, de retour en France, j'avais également ramené un Kopke 2001 avec ses notes délicates  de pruneau.





Symington Family Estates
Là encore, un groupe conséquent et encore 100% familial. Propriétaire de Quintas connues comme Graham's ou encore Dow. Comme toutes les autres quintas, ils font aussi logiquement du vin de l'appellation Douro. Je vous en parlerai dans un autre billet. Si je ne devais retenir que 3 portos dégustés sur la presque centaine en 3 jours, ce serait sans aucun doute, le vintage 1972 de Graham's . Un nez épicé tirant sur des notes de  curry bluffant. Tellement bluffant qu'il m'a été impossible de recracher ce vin durant les deux occasions que j'ai eu de le tester.






Quinta de la Rosa
Située à peine à 2kms de la Quinta do Bomfim (Symington), cette Quinta encore familiale propriété de Sophia Bergqvist, fait tout autant de vin que de Porto. Je m'arrête un instant sur cette maison car d'emblée, elle joue la carte de la séduction et de l'originalité avec des packagings épurés et chics. J'ai été séduit par le 10 et le 20ans. Mais surtout un Porto atypique m'a beaucoup plu : le White Extra Dry . Comme son nom l'indique, il s'agit d'un Porto blanc extra sec qui m'a donné aussitôt pas mal d'idées pour des créations de cocktails. Affaire à suivre dès que j'arrive à m'en procurer.





Caves Messias
Que de belles découvertes durant ce périple. Avec notamment le porto des Caves Messias (qui produit également pas mal de vins de Douro). Mention spéciale pour le vintage 1965 avec des notes grillées. Presque une noix caramélisée en bouche.



Rozès
Là encore une belle rencontre avec le CEO de Porto Rozès : Antonio Saraiva qui nous a fait déguster ses portos de grande qualité. Mais je me suis plus penché sur leurs vins de Douro que je vous raconterai dans le billet #2 dédié à cette appellation.

Un truc sympa à voir une fois dans sa vie : le rituel du bouchon de Porto. Il faut savoir que le sucre est très présent dans les vins de Porto et il ne faut que quelques années pour qu'il se cristallise autour du bouchon le rendant ainsi impossible à extraire. Seule solution : une pince ronde chauffée que l'on serre fort pendant quelques  dizaines de secondes sur le  col de la  bouteille, juste sous le bouchon. Puis on la retire avant de verser aussitôt de l'eau fraîche sur le col. Le choc de température permet de fragiliser le col que l'on peut désormais enlever avec un simple chiffon. Il est coupé net. Reste encore à avoir des amis suffisamment amateurs de Porto pour finir  la  bouteille dans la foulée.

le rituel de la pince chauffée - Crédit photo Vertdevin - www.vertdevin.com
Durant mon voyage, j'ai eu l'occasion de pouvoir participer à une Masterclass dédiée uniquement à des Portos des années 70... une merveille. Commentée par le responsable des dégustateurs de l'Institut des Vins de Porto. Comme énoncé plus haut, mon coup de coeur s'est porté sur le Graham's 1972 ainsi qu'un excellent Quinta Do Noval 1978 (sans doute une des plus prestigieuses maisons de Porto).
Ce fût un excellent exercice pour mieux comprendre la diversité des portos. Ce n'est pas qu'un simple vin d'apéritif avec Papy et Mamy comme on a l'habitude de le boire en France. Au Portugal, il est considéré comme un vin "d'hommes", entendez par là que c'est un vin qui est placé sur un piédestal de qualité et de finesse et qu'il s'adresse aux connaisseurs les plus exigeants.. Les repas où les mets sont accordés à 100% avec des portos adéquats sont magiques et vous seriez étonnés des alliances presque infinies que l'on peut faire avec ces vins.

accord Cruz Porto colheita 1985 et hareng fumé. Une merveille 

Dans un prochain billet je vous montrerai comment est constitué le vignoble du Douro (presque unique au monde), sa manière dont il était acheminé autrefois ainsi que les vins que l'on y produit (vins du Douro) .

Enjoy Porto !
à très vite pour la suite .


Un grand merci à l'Institut des Vins de Porto pour son accueil et pour l'organisation au top. Des conditions ultra favorables pour se concentrer sur l'essentiel : les vins ! 

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