Chasse-moi ce spleen de ta tête


Il était une fois un château totalement atypique dans cette belle appellation de Moulis - la plus petite appellation du Médoc avec 600ha - qui dès le début a su faire preuve d'une originalité contre tous les codes classiques et intemporels du monde viticole ultra strict et d'autant plus dans le bordelais : Le Château Chasse-Spleen. Né d'une indivision en 1820, et se nommant alors basiquement du nom des époux Poujeaux-Castaing (le reste de la propriété divisé gardant le nom Poujeaux-Gressier  devenu Gressier Grand Poujeaux ) . Mais les histoires et rencontres de la vie font qu'un souvenir du passage du poète Lord Byron au domaine a donné le nom de Chasse-Spleen dans les années 1860 car ce vin n'avait, paraît-il, pas son pareil pour chasser le spleen. Voilà comment l'un des noms de domaine les plus originaux de Bordeaux est né.
Dans les années 70 la famille Merlaut s'installe au manettes de ce vignoble atypique et c'est désormais la petite fille de Jacques Merlaut, Céline Villars qui tient le domaine. On connait le nom c'est une chose, on connait sans doute le vin, c'est pas mal aussi, mais on connait le site pour ses oeuvres d'art dont les bottes monumentales qui accueillent les visiteurs, signées par un artiste local et aussi ses volets...violets ! Décidément on fait dans le décalé et c'est c'est la raison pour laquelle je suis instinctivement attiré par ce vignoble avant même que le vin soit devenu une si grande passion.

Pourtant, comme dans les grandes histoires d'amour, ma première rencontre avec ce vin n'a pas été des plus positives. J'avais dégusté au Chapon Fin à Bordeaux, le millésime 2003 (c'était fin 2011) qui m'avait surpris par un nez explosif de fruits rouges, de fraîcheur et emprunt d'une caractère tel qu'il me laissait à penser que la bouche n'en serait que plus explosive encore mais ce ne fût pas du tout le cas, hop, il s'est évaporé comme un fantôme. Sur cette note de frustration personnelle (la tablée était unanime avec mon avis) j'étais déçu d'avoir tellement attendu pour déguster un Chasse-Spleen dans les meilleures conditions qu'il soit, que ma pseudo histoire d'amour pour ce vignoble était aussitôt éteinte, morte dans l'oeuf.

Et pourtant il n'y a que les .... qui ne changent pas d'avis. Lors d'une soirée dans ma maison secondaire à savoir les 4 Coins du Vin à Bordeaux - bar à vin - que vois-je ? François remplace une bouteille de son Enomatic par ... un Chasse Spleen 2008 (une belle année mais pas la meilleure loin de là) . Je prends mon courage à deux mains (bon j'avoue j'en rajoute un max pour rendre la situation encore plus dramatique) et ni une ni deux, je remplis mon verre de ce breuvage quelque peu mal aimé par mon inconscient. Et là la magie de Bacchus a opéré, et dieu sait que je partais avec des à priori. Un nez de velours, tout en finesse, élégant qui donne la mesure de la complexité des arômes. La bouche, mamamia ! Ça croque, c'est moelleux, c'est souple et en même temps assez tendu pour donner une belle dynamique à l'ensemble de la dégustation, de la première seconde jusqu'à la dernière. Les fruits rouges tirant sur une légère compotée se délient sous le palais tandis que les effluves de cacao que j'aime tant viennent discrètement sur la note finale. Le cabernet majoritaire exprime ici à la fois sa toute puissance aromatique et en même temps la finesse de ses tanins. Sans doute d'autres personnes ne trouverons pas ce cacao mais peu importe, c'était mon ressenti.
Depuis ce jour là l'histoire d'amour est repartie de plus belle et je lui rends bien puisque je me retrouve à la tête d'un petit cheptel pas du tout orchestré en plus, des millésimes 2008/2009/2010 et 2011 sous la main. De quoi se programmer une belle verticale dans les années à venir.

Je vous encourage pour ceux qui seraient de passage dans la région à franchir la grille du domaine et à se laisser guider dans le parc à travers les oeuvres d'art puis la visite des chais et enfin la dégustation car c'est à coup sûr un excellent moment. Voilà un château qui a compris depuis bien longtemps, l'importance de l'oenotourisme et du sens de l'accueil.

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